Entre les Eaux, de V. Y. Mudimbé, faisait parler Pierre Landu, prêtre africain coincé entre sa vision personnelle du christianisme et une adhésion douloureuse à ce qu’on appelait, dans le Congo d’alors, la rébellion. C’est encore cette période de chocs, remords, traumatisme majeur des consciences zaïroises, qui sert d’arrière-plan à son deuxième roman, Le bel immonde. Mais cette fois, c’est par l’autre camp qu’on participe à la rupture, à travers les subjectivités d’un couple exemplaire, le Ministre et la Putain, dans un Kinshasa très nocturne.
Ces deux êtres « innommables » (tout au long du récit ils seront simplement : Elle, Lui, Je ou Tu, et ce n’est pas une des moindres qualités de l’ouvrage que de rester, dans sa forme elliptique, parfaitement lisible), ces menteurs sincères se fascinent à des vérités partielles et à des miroirs clinquants ou monstrueux. Complexes, ils constituent un envers possible des prostitutions.
S’il y a du mélodrame dans ce livre, c’est que, Mudimbé l’indique, les frontières entre un quotidien corrosif et un tragique dévorant sont décidément bien mal gardées. Avec Le bel immonde se poursuit un inventaire original des passions zaïroises, versant romanesque d’une œuvre qui, de plus en plus clairement, explore un univers de cassures et de contradictions.
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