En visite à la prison d’Alger, j’ai croisé un détenu qui, me reconnaissant, m’a murmuré : « Vous savez, maître, votre livre, ici, il circule en douce, sous le manteau. » L’idée que Bête noire 1 soit considéré comme un ouvrage sulfureux dans une prison m’a bien plu, je l’avoue, et m’a donné envie d’aller plus loin, avec la complicité de Stéphane Durand- Souffland.
En quatre ans, j’ai vu changer le monde que je connais le mieux : celui de la justice. Depuis que j’ai prêté le serment d’avocat, en 1984, ce monde est en révolution perpétuelle, pas forcément pour le meilleur.
Les lois, votées à la va-vite et au doigt mouillé, les lois, propulsées dans le code pénal par le vent versatile de l’émotion alors qu’elles devraient résister à cette tornade, les lois se durcissent.
Les faits divers successifs modèlent et remodèlent la hiérarchie des crimes : du temps où André Gide siégeait comme juré à la cour d’assises de la Seine-Inférieure, il était plus grave d’incendier une grange que de violer une fille de ferme.
Nous étions au début du XXe siècle, avant la Grande Guerre, avant l’acquittement de Raoul Villain, l’homme qui avait assassiné Jaurès en 1914 : le pire des crimes, après la défaite de l’Allemagne, c’était le pacifisme, et la veuve de Jaurès fut même condamnée aux dépens. À la fin des années 1990, quand éclatèrent, en Belgique l’affaire Dutroux, et dans le Pas-de-Calais celle d’Outreau, la Pédophilie, communément présentée comme plus grave que l’homicide, était hissée par l’opinion sur la plus haute marche de ce dérisoire podium.
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